Promenons-nous aux châteaux d’Ottrott vers 1830

Qui sont ces promeneurs endimanchés ? et où leur promenade les a-t-elle menés ? Trois messieurs en redingote, coiffés de chapeaux haut-de-forme, munis de cannes.

Deux dames vêtues de longues robes, chapeaux à fleurs et à rubans, les épaules couvertes de vastes châles. Ce doit être le printemps, il fait encore frais. Dans la prairie un pâtre surveille quelques vaches et une chèvre.

Les châteaux d’Ottrott au début du 19ème siècle

Voici l’ensemble du tableau duquel nous avions tirés nos cinq personnages.

Nos promeneurs sont venus faire quelques pas devant les châteaux d’Ottrott. En fait, ils sont sur le sentier qui mène de la Maison Forestière vers l’Elsberg. Ils doivent être devant le petit kiosque aujourd’hui disparu que les Ottrottois appelaient le ‘Lusthiesel’.

Les habitués des lieux reconnaissent à gauche la Maison Forestière et le château de Rathsamhausen, au centre le château de Lutzelbourg, et puis, tout à droite la vue sur la plaine d’Alsace. Outre le pâtre et son petit troupeau déjà mentionnés, deux paysannes marchent dans le verger sur la gauche du tableau.

La vue est large, aérée. Au début du 19ème siècle, la Maison Forestière était encore une véritable petite exploitation agricole avec des animaux, des près, un vaste verger, et même des cultures. Aujourd’hui, la forêt occupe un espace beaucoup plus important, elle est descendue vers la plaine, les ruines sont cernées de grands arbres.

Le Rathsamhausen

Intéressons nous à la façon dont est représenté le Rathsamhausen.

Si les abords du château sont bien dégagés, le sommet des tours et des murailles est déjà envahi de végétation. Il en va de même des braies. Certains arbres ont une taille appréciable.

Le sommet du donjon-palais présente ses merlons toujours en place côté ouest. Les baies des deux étages d’habitation semblent positionnées un peu trop bas, alors que l’étage abritant les greniers est surdimensionné, ainsi que les fenestrons qui l’éclairent. Curieusement, l’énorme brèche de l’angle sud-ouest, n’est pas représentée, alors qu’elle figure sur nombre de dessins et lithographies de la même époque.

Dissimulé par la végétation sommitale, on devine le sommet du donjon circulaire.

La représentation du logis montre combien cette partie du château a souffert depuis 1830. Plusieurs mètres de muraille se sont effondrés, le conduit de cheminée, bien visible sur le dessin, est aujourd’hui réduit à quelques pierres.

A l’ouest du donjon-palais, les bâtiments situés dans le cour, forge et annexe sont visibles. La tour de flanquement nord-ouest est perdue sous la verdure.

Le Lutzelbourg

Voyons maintenant le château voisin, le Lutzelbourg. Là encore, les murailles sont envahies d’arbustes, voire d’arbres. Les volumes sont respectés. Notre Lutz n’a guère changé.

Le donjon semble encore en excellent état, alors que de nos jours, une large brèche s’est ouverte sur son versant ouest. Les braies et lices ne sont pas visibles.

Un détail amusant attire l’attention, l’artiste a dessiné une porte ogivale à la base du donjon. Liberté du créateur sans doute : les donjons médiévaux ne s’ouvraient pas au niveau du sol mais bien plus haut, et jamais à l’extérieur du château. C’eût été en affaiblir considérablement la défense.

La Maison Forestière

Visiblement, notre Maison Forestière a bien évolué depuis 1830. Certes, la vaste porte de la grange est bien en place. Elle porte toujours la date de 1733 et le nom du possesseur des lieux peu avant la Révolution : Wolf-Christof von Rathsamhausen. Le nombre de fenêtres de la façade est resté le même. Par contre, la toiture actuelle ne présente plus de chiens-assis.

Un deuxième bâtiment, moins élevé, jouxtait l’habitat principal à l’est. Il a aujourd’hui disparu.

La petite maison du Lutzelbourg

A l’autre extrémité de l’image, parmi les arbres, se dresse la maison du Lutzelbourg. Celle-ci fut édifiée peu avant la Révolution, lorsque Wolf Christof a transformé son domaine en une vaste ferme où il élevait des chevaux. Réhabilitée dans les années soixante par l’association de monsieur Salch, la petite maison du Lutzelbourg abrite aujourd’hui les bénévoles de l’association ‘Les Amis des Châteaux d’Ottrott’ qui veille sur le site. Seule la toiture est apparente.

Détail intéressant, une seconde maison construite perpendiculairement à la première est bien visible. Ce bâtiment faisait vraisemblablement partie des bâtiments de la ferme de Wolf-Christof, il était adossé à la rampe d’accès du haut château de Lutzelbourg. Les traces de cette construction, aujourd’hui disparue, sont encore visibles sur la mur de la rampe.

Le tableau du Cabinet des Estampes

L’image que vous venons de vous détailler est une gouache sur papier, référencée CE-XXXIII-116 au Cabinet des Estampes à Strasbourg. Nous remercions les responsables de nous avoir autorisé cette publication.

Cette gouache ne porte pas de date et n’est pas signée.

Elle est cependant attribuée à Valentin Schneegans (1786-1848).

Outre sa qualité artistique, cette image de la première partie du 19ème siècle nous montre nos châteaux d’Ottrott sous un angle parfois oublié. Les Ottrottois d’hier montaient se promener et se détendre aux châteaux. Aujourd’hui les bénévoles ouvrent les ruines tous les mardis (matin) et tous les samedis (journée entière). Ils vous accueillent ! Venez les rencontrer et partager leur passion. Ils vous diront leurs efforts, leurs projets. Vous verrez les progrès déjà accomplis pour sauver les Châteaux d’Ottrott.

Terminons cet article par trois images datant également de la première moitié du 19ème siècle. Les personnes intéressées chercheront les différences entre les diverses interprétations.

Illustrations

Gouache CE-XXXIII-116 du Cabinet des Estampes, Musées de Strasbourg, photographie de monsieur Mathieu Bertola.

Dessin de Louis Laurent –Atthalin, détail

Dessin de E. Matthis

Lavis de Eck