Jacques Martin est l’auteur de nombreuses bandes dessinées. Son héros le plus connu est Alix, jeune esclave qui arrive à Rome peu avant que César ne se lance dans la Guerre des Gaules. De nombreux albums racontent les aventures d’Alix, dans le monde romain. Moins connu, un autre personnage créé par Jacques Martin, Jhen vit au moyen âge. Contemporain de Jeanne d’Arc, compagnon de Gilles de Rais, architecte, Jhen Roque vit de nombreuses aventures dans la France des cathédrales. Dans l’album ‘La Cathédrale’, Jhen est appelé en Alsace par maître Lorentz qui termine la cathédrale de Strasbourg.
Quand Jhen est-il venu au Rathsamhausen ?
Bien qu’aucune date ne soit donnée, il est possible de situer les dates de l’aventure de Jhen. Un des personnages bien connu de l’histoire est l’évêque Guillaume de Diest.
Guillaume de Diest est nommé Evêque de Strasbourg en 1393…. Mais son élection ne se fait pas sans problèmes. Tout d’abord, lors de son élection, il n’est pas prêtre. Bigre ! De plus, il s’oppose d’emblée à sa Ville, en augmentant fortement les taxes. Rejeté par le Magistrat de Strasbourg, Guillaume s’allie aux seigneurs et aux nobles, il mène ‘La Guerre de Dachstein’ contre Strasbourg ! Mal lui en prend, vaincu en 1415, prisonnier, il est détenu à Dachstein, puis dans les murs même de sa cathédrale. En 1417, il se fait, enfin conférer la prêtrise. En 1420, libéré, il est sacré évêque de Strasbourg, 27 ans après sa nomination. Il ne sera réellement évêque en sa ville, que de 1420 à 1439.
Jacques Martin nous présente un évêque bien en place…mais qui n’a pas le beau rôle. L’histoire se passe donc après 1420.
Un des épisodes de l’album nous montre Clara de Lutzelbourg, très jeune fille, qui entre au couvent de Hohenburg. Or, selon Silbermann, Clara devient abbesse de Hohenburg en 1431.Nous avançons : le voyage de Jhen a lieu entre 1420 et 1431.
Selon Martin, les deux Ottrott abritent deux branches de la famille de Rathsamhausen. Si j’en crois l’historien obernois Joseph Gyss, le Lutzelbourg ne passe aux Rathsamhausen qu’en 1393, et le Rathsamhausen est transmis aux Hohenstein en 1424… La date de la visite de Jhen se précise, Jhen est venu à Ottrott entre 1420 et 1424.
1393 1420 1424 1431 1439
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Lutzelbourg Guillaume Rathsamhausen Clara Mort de Guillaume
aux Rathsamhausen évêque vendu aux Hohenstein abbesse de Hohenbourg
Maintenant que nous avons situé dans le temps les aventures de Jhen, nous laisserons aux amateurs le plaisir de découvrir les péripéties de l’histoire imaginée par Jacques Martin, pour nous intéresser aux dessins de Jean Pleyers.
Le Rathsamhausen dessiné par Jean Pleyers
Jean Pleyers nous propose de nombreuses vues du château de Rathsamhausen. Sa connaissance des lieux est remarquable ! Les plans, les volumes, tout semble vrai ! Le travail de documentation et le respect des résultats des historiens méritent un véritable coup de chapeau à l’artiste ! Jean a du se promener longuement dans les ruines et s’appuyer sur les travaux Charles Laurent Salch pour obtenir un rendu aussi réaliste.
Les dessins de l’ensemble du vieux burg sont précis et justes :
- le donjon palais est présenté crénelé, avec sa belle bretèche de bois posée sur huit corbeaux. La toiture est en pente inversée, comme c’était le cas. Jean Pleyers a bossé !
- le ‘Bergfried’, le donjon rond, est pourvu de hourds sous ses créneaux
- le logis roman est représenté avec son conduit de cheminée extérieur, en façade
- la vieille porte de l’enceinte, au pied du bergfried, coté est, est déjà murée
- la barbacane n’a du être construite que peu avant le passage de Jhen, ainsi que les deux petites tours qui encadrent la porte du château
- les fausses braies qui protègent le bas des murs sont une adaptation du burg aux progrès de l’artillerie, arme toute nouvelle en ce début du XVième siècle. Bravo ! Très bien vu…
- Osons cependant une remarque…. La porte fortifiée de la barbacane est située à l’ouest page 4, et puis, page 23, elle est passée côté est ! Bigre ! Selon Salch, elle était bien à l’est !
Jean Pleyers nous propose deux vues de l’intérieur du château. Porte romane, plafond de bois posé sur des corbeaux, larges tentures couvrant les murs, enfants jouant aux dés. La forme, peu courante, de la baie, avec son décor ouvragé est toujours présente au Rathsamhausen ! La cheminée à colonnettes également. La forme des ferrures de la porte est proche de celle de nos églises et chapelles. La reconstitution est de qualité.
Par contre, au début de notre histoire, Jhen se voit logé au sommet du Bergfried dans une pièce munie d’une cheminée… Allons, allons, on ne chauffait pas les donjons en ces temps là ! De plus, le chapiteau du foyer improbable porte la rose des Müllenheim. Et ceux-ci ne deviendront seigneurs du Rathsamhausen qu’en 1477, cinquante ans après le passage de Jhen !
Le Lutzelbourg dessiné par Jean Pleyers
Les vues du Lutzelbourg sont plus lointaines, souvent elles proviennent du même angle. Et Jean n’a pas situé de scènes à l’intérieur du château. Le lecteur voit essentiellement la façade sud, crénelée et le donjon, sans toiture et sans hourds. Le plan au sol et les élévations sont justes. Jean Pleyers connaissait bien les lieux !
Autres détails de cette belle histoire
1 Le Kappelturm d’Obernai
Lorsqu’il se rend à Strasbourg, Jhen passe devant la double ligne de remparts d’Obernai. Le Kappelturm, beffroi orgueilleux de la Ville n’est pas encore couronné de la galerie renaissance que nous admirons encore aujourd’hui ! Jean Pleyers a tout juste ! Le Kappelturm ne sera coiffé de son clocher si particulier qu’en 1597, cent soixante dix ans après notre histoire.
2 La Grotte sous le mur Païen
Lorsqu’ils quittent Ottrott, Marc et Clara se réfugient dans une grotte, située sous le Mur Païen. Il ne peut s’agir que de la grotte dite d’Etichon, père de Sainte Odile. Jean Pleyers a, un rien, exagéré la profondeur de la grotte, mais il semble que Jean se soit promené sous le Mur Païen ! Comme lui, pour vous y rendre, suivez le balisage du Club Vosgien, sentier des Merveilles, entre le Mont Sainte Odile et le kiosque de l’Elsberg. Les vues sur la plaine sont superbes !
3 Le Bourgmestre d’Obernai
A son retour de Strasbourg, Jhen entre à Obernai par le Niedertor, porte fortifiée disparue. A cet endroit, quelqu’un que je connais bien, tenait encore une papeterie voilà quelques années. Jhen passe devant la tour en fer à cheval du Swal, toujours admirable, puis il s’entretient avec le bourgmestre de la Ville. Celui-ci est représenté comme un boulanger, fort jovial.
Voici, les noms des deux bourgmestres de l’époque, publiée par Joseph Gyss…
1423-37 Claus Immeler
1424-34 Loewemann von Mittelhus, l’écuyer
Loewemann aurait été écuyer, mais Claus était-il vraiment boulanger ?
Sources
Joseph Gyss, Histoire de la Ville d’Obernai, 1866
Charles Laurent Salch, le château de Rathsamhausen-Ottrott, 1974
Tous les dessins sont extraits du livre ‘La Cathédrale’ de Jacques Martin et Jean Pleyers, édité chez Casterman, 1985. Achetez le, lisez-le, offrez-le !