Les ruines des châteaux d’Ottrott sont aujourd’hui peuplées de bon nombre d’animaux. Les sangliers viennent retourner la terre des fossés du Rathsamhausen. Les biches se délectent de nos plantations au jardin médiéval. La salamandre et le crapaud s’amusent dans le bassin du jardin Renaissance. Les chants des oiseaux résonnent toute la journée. Du haut du donjon-palais, le faucon pèlerin surveille les travaux des bénévoles.
Mais saviez-vous que nous avons aussi un scorpion ? Certes, il est de faïence, mais bon, c’est un scorpion !
Les Kachelofe des châteaux d’Ottrott
Le visiteur est toujours surpris par le nombre restreint des cheminées dans nos ruines. Si le donjon-palais du Rathsamhausen renferme trois cheminées magnifiques, le château voisin de Lutzelbourg semble en être totalement dépourvu. Comment donc les Hohenstein se chauffaient-ils ? Les hivers pouvaient être rigoureux.
Dès le haut moyen âge, les habitants des lieux avaient recours aux poêles, plus performant que les cheminées à feu ouvert. Ce furent d’abord les poêles à pots, puis ces magnifiques poêles de faïence que l’on trouve encore bien souvent en Alsace : les kachelofe.
Voici une photographie d’un kachelofe exposé au Haut-Koenigsbourg. Chaque pièce importante du château était équipé du poêle de ce type, qui répandait une douce chaleur alentour. (toute relative)
Les travaux d’entretien des ruines
Lorsque les châteaux ont été abandonnés, les kachelofe n’étaient guère facile à déplacer. Ils ont été détruits et les fragments laissés sur place. Les ‘Amis des Châteaux d’Ottrott’ œuvrent à la sauvegarde et la mise en valeur des ruines. Les bénévoles armés de force outils, et d’un beau courage, débroussaillent, retirent le lierre. Petit à petit, avec prudence, pour ne pas endommager les ruines. C’est un long travail, difficile. Parfois, simple hasard, ils trouvent au sol un fragment de poterie vernissée. Ces petites découvertes sont nettoyées et gardées précieusement par les membres de l’association.
Le Kachelofe au scorpion
Dernièrement, Dorian et Aurélien (2 bénévoles très actifs des Amchott) ont découvert un fragment de kachelofe, haut de 7 cm, large de 10 cm. C’était dans les braies du Rathsamhausen. En voici une photographie !
Quel curieux animal !
Nous n’avons que la partie postérieure, mais il ne ressemble à rien de connu. Les deux pattes portent chacune trois griffes. La longue queue semble couverte d’écailles, le dos est protégé par une carapace striée. Etonnant ?
Il ne ressemble guère à un animal réel… Qui est-il ? Cherchons !
L’image du scorpion au moyen age
En fait, pour identifier la bête, il nous suffira de parcourir le bestiaire des nos cathédrales. Commençons par les sculptures romanes d’Autun et d’Issoire.
Ces deux cathédrales, comme beaucoup, présentent des représentations de pierre des signes du zodiaque. Les scorpions d’Autun et d’Issoire ont bien des pattes avec trois griffes, la queue est analogue à celle représentée sur notre kachel !
Quelques dizaines d’années plus tard, on retrouve des zodiaques figurés dans les vitraux de Chartres et de Notre Dame de Paris. Si le scorpion parisien est bien différent du notre, celui de Chartres peut être comparé : queue et carapace….
Nous sommes peut-être sur la voie….
Le scorpion dans l’Hortus Deliciarum
Toujours se tourner vers l’Hortus ! Tout y est !
Bien entendu, notre chère Herrade de Landsberg a dessiné les signes du zodiaque pour illustrer l’Hortus Deliciarum. Dans son précieux codex, destiné à l’éducation des novices du couvent du Mont Sainte Odile, Hohenbourg, Herrade nous propose ce dessin du scorpion.
Les similitudes sont marquantes ! Même longue queue striée, pattes griffues similaires, présence de cette carapace dorsale… Notre kachel représente bien un scorpion ! Du moins, un scorpion tel que se l’imaginait Herrade de Landsberg qui n’en avait, visiblement , jamais vu. Les scorpions sont rarissimes sur le Mont et dans nos châteaux. Bigre !
Voilà notre petite énigme résolue. Le château de Rathsamhausen possédait sans doute un poêle de faïence illustré des signes du zodiaque. Les seigneurs Jacques de Hohenstein, puis Daniel de Mullenheim, se chauffaient en admirant ses sculptures vernissées. Il nous reste à souhaiter que nos bénévoles après un bel orage découvrent sur le sol mouillé un autre fragment de ce kachelofe. Sera-ce une balance ou un sagittaire ?
Note : nous vous avons proposé voici quelques mois un autre article consacré aux Kachelofe des Châteaux : les Müllenheim au château de Rathsamhausen