Ne vous méprenez pas ! Il ne s’agit pas de connecter nos deux châteaux au réseau électrique pour organiser des spectacles ‘Son et Lumière’ ou des concerts de musique rock. Non, nous allons aujourd’hui vous raconter l’arrivée de l’électricité à la Maison Forestière de Rathsamhausen en 1956. La solution mise en place par le forestier Jules Metz était novatrice et très ‘écolo’. Voyez plutôt !
La Maison Forestière au début des années cinquante
La maison fut construite en 1733 par Wolf Christof de Rathsamhausen. Les deux châteaux forts malgré leurs nombreuses rénovations ne sont plus guère habitables, et le dernier des Rathsamhausen décide d’aménager à proximité des vieux burgs une maison ‘moderne’ et plus facile à chauffer…. Il fait graver son nom et la date au dessus de l’immense porte cochère.
Après la Révolution, les châteaux sont vendus comme Biens Nationaux. Ils sont bientôt la propriété de la famille Scheidecker, industriels et forestiers de la Vallée de la Bruche. La maison de Wolf Christof devient la résidence des gardes forestiers. En 1950, c’est Jules Metz qui occupe cette place. Notre maison forestière est alors habitée par Jules, son épouse et ses deux fils Jean et Maurice.
Jules dirige une équipe d’une dizaine de forestiers qui entretiennent et exploitent la forêt. La Maison Forestière est une véritable ferme, avec une basse-cour, quelques vaches, un cheval, le cochon. Elle est entourée par une vaste prairie avec de nombreux arbres fruitiers et un grand potager. Les Metz vivent presque autonomes, au dessus du village d’Ottrott. L’hiver, la ferme est souvent isolée par la neige. Jusqu’en 1956, pas d’électricité ! Les Metz s’éclairent à la lampe à pétrole… 56 sera donc une année mémorable.
L’installation électrique de Jules Metz
En 1956, il n’est pas question de tendre une ligne électrique à travers la forêt, à partir de la vallée, sans doute jugée trop lointaine. Il faut imaginer une solution indépendante ! La Maison Forestière sera équipée d’une minuscule centrale hydraulique. Il faut dire que les sources avaient alors un débit plus important sur le Mont Sainte-Odile. Les villages et villes de la plaine ne captaient que des quantités raisonnables, le réchauffement climatique n’était guère évoqué, et les essences de la forêt étaient moins gourmandes en eau. (plus d’arbres à feuilles caduques, moins de résineux).
Voyons l’installation !
- La source utilisée est celle située à l’ouest de la M.F., toute proche du Luchthiesel, ce petit kiosque où les Ottrottois aimaient venir de retrouver le dimanche. Voir notre article ‘Promenons-nous aux châteaux d’Ottrott’.
- Jules Metz et ses ouvriers ont maçonné un grand réservoir, encore en place aujourd’hui. De là, une conduite forcée descendait pleine pente jusqu’à une turbine située dans une maisonnette, à proximité de l’étang.
(Cet étang n’existait pas encore à cette époque, il fut aménagé plus tard dans le but de disposer d’une réserve d’eau en cas d’incendie).
Une ligne électrique traversait le pré pour remonter à la maison.
Ingénieux et respectueux de l’environnement, bravo !
Les données techniques de l’installation
Jules Metz avait deux fils, Jean et Maurice. Maurice est membre de notre association ‘Les Amis des Châteaux d’Ottrott’. Maurice ne réside plus en Alsace mais vient nous rendre visite de temps à autre aux châteaux. C’est grâce à lui que nous pouvons vous en dire un peu plus sur cette installation. Commençons par la plaque de laiton gravée à l’époque par Jules Metz, qui tenait à garder le souvenir de l’arrivée de l’électricité chez lui.
Voici le texte
‘Une turbine Pelton avec une chute de 50 mètres et un débit de 0.4 à 1 litre par seconde (40 à 160 Watts) alimente la Maison Forestière de Rathsamhausen depuis le 20 octobre 1956.
Constructeur Projets et Plans
Ch. Moritz, Pfaffenhoffen – E. Stumm, Strasbourg – R. Fehr, Kindwiller
Constructions du réservoir et de la conduite forcée,
J. Metz et ses ouvriers forestiers’
Outre le type de turbine et les noms des constructeurs, nous découvrons la puissance installée : 40 à 160 watts ! Bigre ! Aujourd’hui, le chargeur de mon ordinateur portable indique 65 watts !
La puissance était très faible. Il fallait économiser l’électricité denrée rare… Selon les souvenirs de Maurice, la nuit, la conduite était fermée, de façon à ce que le réservoir d’eau se remplisse. Il y avait un dispositif avec une vanne, un câble, des poulies et un levier situé dans la cour, à proximité de la fontaine ? on pouvait donc ouvrir et fermer la conduite.
La ligne de la turbine arrivait à la maison sur les isolateurs encore en place, le tableau électrique était situé juste derrière la porte d’entrée. Le courant était utilisé pour la mise en charge de batteries de 24 Volts, situées à la cave. Quelques ampoules de ce voltage éclairaient la cuisine et la salle à manger, qui disposait d’un poste de T.S.F., la radio d’alors. A l’étage, dans les chambres, on reste à la lampe à pétrole….
Cette arrivée de l’électricité a du changer la vie de la famille Metz. Cependant, si nous comparons leur modeste installation à la débauche d’énergie d’aujourd’hui…nous restons confondus.
Les veillées d’hiver devaient se faire autour du poêle de faïence, une faible ampoule au plafond et la T.S.F. que l’on écoutait avec attention. Autres temps.
Cette installation électrique a perduré jusqu’en 1969. Jules Metz et sa famille quitte la Maison Forestière pour une retraite bien méritée. Le nouveau forestier se nomme monsieur Ritter. Lui et son épouse mettent une condition à leur emménagement : l’arrivée du 220 volts ! La ligne est tirée à partir de Klingenthal
Note : la Maison Forestière disposait alors d’une ligne téléphonique pour pouvoir joindre les Scheidecker. C’était avant l’automatique, on devait passer par la demoiselle du téléphone. ‘Mademoiselle, passez-moi le N°1 à Lutzelhouse, s’il vous plait’.
Les souvenirs de Maurice Metz
Maurice Metz est né en 1954. Tous les matins, par tous les temps, Maurice et son frère descendaient à Klingenthal à pied pour aller à l’école. Il a bien d’autres souvenirs à nous faire partager.
Maurice a commencé la rédaction d’un ouvrage racontant la vie à la Maison Forestière. Nous sommes impatients de lire ce document. En attendant, Maurice a eu la gentillesse de nous communiquer quelques photographies de cette époque révolue.
Illustrations
Photographies d’aujourd’hui, PiP
Photographies d’hier, Maurice Metz
Schéma de l’installation, PiP sur les indication de Maurice