Les Jardins Médiévaux du Rathsamhausen selon Hildegarde de Bingen

En ce début d’année 2019, les jardinières et jardiniers des Amchott réaménagent les jardins médiévaux situés au pied du Rathsamhausen. L’objectif est de présenter les plantes évoquées par Hildegarde de Bingen, moniale allemande ayant vécu au XIIème siècle. Témoin de visions mystiques, elle a publié de nombreux écrits sur la théologie, l’histoire naturelle, la médecine, les plantes, les roches, la cosmologie mais aussi des compositions musicales. En matière de médecine, d’utilisation des plantes, d’hygiène et de diététique son approche est novatrice : elle prend en compte l’être humain dans sa globalité et dans son environnement, s’appuyant sur les vertus curatives des plantes. On la considère comme la première phytothérapeute de l’histoire.
Les plantes figurant dans les écrits d’Hildegarde de Bingen sont regroupées dans six carrés en fonctions de leurs propriétés et de leurs usages.

Plantes potagères : épeautre, chou, épinard, poireau, persil, pois, ail, panais
Plantes contre les maux de tête et la fatigue : thym-serpolet, romarin, menthe poivrée, achillée
Plantes contre les mauvaises odeurs : lavande, sauge, iris, violette
Plantes contre la toux et le rhume : aunée, livèche, guimauve, aneth
Plantes contre les irritations de la peau : plantain, pavot, camomille, grande chélidoine

Pour certains les jardins du Moyen age évoquent une certaine nostalgie du paradis perdu : le jardin d’Eden, dans sa représentation médiévale apparaît comme un espace sacré circulaire, le cercle révèle le divin, le céleste, alors que le carré exprime le terrestre, le carré s’intègre parfaitement dans la symbolique médiévale liée aux nombres, les 4 éléments, les 4 fleuves du paradis, les 4 évangiles, les 4 saisons…Le 4 ou le carré, est le symbole de perfection au Moyen Age, il sert donc de base à la réalisation des jardins.

Inspiré de l’ « Hortus Conclusus » ces jardins devaient surtout et avant tout, être des jardins utilitaires, procurant nourriture, vêtements, médecines avant d’être lié aux plaisirs, le Moyen Age ne faisait semble t il pas de distinction entre l’utile et l’agréable.

Durant la longue période qu’a duré le Moyen Age, 10 siècles, les jardins ont profondément évolués, de l’hortus castral, jardin du château,  à l’hortus déliciarum , jardin des délices, prélude aux jardins de la renaissance, en passant par les jardins monastiques, tous ces jardins ont  gardé certaines particularités spécifiques aux jardins moyenâgeux .

Hortus Castral : avant tout lieu défensif ou la moindre place est comptée. Le château féodal laisse peu d’espace pour le jardin. La priorité est donc donnée à l’hortulus , jardinet fermé situé dans une des  cours de la  forteresse, jardin d’herbes utilisées quotidiennement dans la cuisine. Seul quelques grands domaines disposant d’une place plus importante peuvent se permettre de posséder un herbularius où sont cultivées les plantes médicinales. Les cultures s’étendaient généralement au delà des remparts avec les champs de céréales.

Hortus Monastique : ce type de jardin fait partie intégrante de la vie spirituelle de ses occupants, tous les jardins monastiques d’Europe sont basés sur le fameux plan dit de « l’abbaye de St Gall ». Rédigé vers l’an 806, par Théodore de Trace. Pour la première fois les différents types de jardins sont identifiés, et répertoriés .Ils sont répartis en plusieurs endroits en fonction de la spécification et de la fonctionnalité  des bâtiments.

Tout prés du logis du moine médecin, l’herbularius ou jardin des simples se situe prés de l’infirmerie, il est , constitué de rectangles bordés de planches, où sont cultivées les plantes médicinales, aromatiques et condimentaires.

Nous retrouvons dans ces jardins, 49 plantes citées dans la « Capitulaire de Vilis ». Chaque ensemble de bâtiments comportait un cloître plus ou moins grand mais toujours divisé en 4 parties avec un point central orné d’une fontaine ,d’un puits , d’ une statue ou d’un arbre , arbre de vie en mémoire à l’arbre sacré du paradis, arbre de la connaissance du bien et du mal.

Promulgué vers l’an  795 par l’empereur Charlemagne, mais rédigé vraisemblablement par un de ses scribes Alcuin , le « Capitulaire de Vilis », est une ordonnance qui présente et décrit 88 plantes, recommandées dans la vie de tous les jours pour se soigner, se nourrir, se vêtir et même travailler. Ces plantes : médicinales, aromatiques, légumes, fruits, textiles, tinctoriales…, permettant de vivre en autarcie, doivent être cultivées dans les maisons royales, abbayes, monastères , hôpitaux, maladreries et léproseries.

Walafried Strabo (809-849) , dit Strabon, moine  de l’abbaye de Reichenau prés de Constance en Allemagne décrit en 842, sous forme de poème, dans le « Liber de cultura hortorum », 26 plantes cultivées dans les monastères.

Plus tard (XIIe) Hildegarde (1098-1179), pour finir l’article sur celle qui nous a permis de le commencer, abbesse bénédictine de Bingen dans deux de ses livres, le «physica » ou «Liber subtilatum », livre des subtilités, nous donne des informations sur plus de 300 végétaux.