1340 Paix castrale à Andlau

Le travail des bénévoles des ‘Amis des Châteaux d’Ottrott’ est varié. Nos lecteurs connaissent leur investissement physique aux châteaux : entretien du site, mise en plantation des jardins, travaux de maçonnerie, accueil des randonneurs… Nos visiteurs apprécient les maquettes d’Etienne et les aquarelles de Raoul. Ils savent notre implication pour la sauvegarde de la biodiversité avec nos amis de la Société Botanique et la Ligue de Protection des Oiseaux.

Dans notre article précédent, nous avons attiré l’attention sur le volet ‘Archéologie’ de l’association. Aujourd’hui, nous parlerons de nos ‘recherches historiques’ !

Les seigneurs d’Andlau au XIVème siècle (en deux mots)

Nous avons déjà écrit plusieurs articles sur les Andlau, présents à Ottrott dés les XIIIème siècle, à propos de la chapelle Saint Nicolas d’Ottrott.

1227 Eberhard d’Andlau nous écrit

La Chapelle Saint Nicolas d’Ottrott

Le château du Haut Andlau a été édifié par Eberhard d’Andlau (1250-1264) Mais aussi, et c’est moins connu, le château de Valff, dans la plaine. (fin XIIIème).
Le château d’ Andlau-le-Bas (1334-1340) est édifié dans la ville même. Il est la propriété du vidame Rodolphe d’Andlau, qui en fait don à l’évêché de Strasbourg.
Le château de Spesbourg ne revient aux Andlau qu’en 1386, à la mort du dernier von Dicke. (voir notre article : L’étrange mort de Walther von Dicke à la bataille de Sempach.)

A la même période, à Ottrott, les Andlau et les Rathsamhausen semblent se disputer la propriété du château de Lutzelbourg.

Le lecteur intéressé se reportera pour plus de détail à l’ excellent article de Nicolas Mengus, cité dans nos sources.

La paix castrale de 1340

Il semble qu’en 1340, les Andlau aient décidé d’habiter le château d’Andlau-le-Bas, tout juste terminé. Comme les Landsberg à Niedernai, les seigneurs d’Andlau préfèrent leur résidence de plaine aux châteaux de montagne, moins commodes et éloignées des centres de pouvoirs que sont devenus les Villes. Ils confient alors leurs forteresses vosgiennes à des commensaux, des nobles de moindre lignée, qui les représenteront et régiront les châteaux en leur noms et places.

Pour ce faire, ils rédigent alors un règlement de la place forte, la ‘Burgfriede’ qui nous traduisons aujourd’hui ‘paix castrale’. Voici la paix castrale d’Andlau datée de 1340.

CHARTE PLIEE

Visite aux Archives Départementales

Accéder à un tel document n’est pas des plus aisés. Il faut tout d’abord savoir qu’il existe, ce qui implique une lecture attentive de nombreux livres d’histoires. Ensuite, il faut trouver où il est entreposé, puis trouver sa référence. Dans notre cas, nous avons été conseillés efficacement par Jean-Michel Rudrauf, et nous avions la référence : ADBR série 39 J n° 32.

Il nous a suffi alors de gagner le magnifique bâtiment des Archives Départementales à Strasbourg. Quelques minutes après notre demande, l’employé nous remet le document en question.

Ouvrons donc cette liasse…

CHARTE DEPLIEE

Le document comporte deux parchemins. En fait ce sont deux versions du même texte. Quelques détails d’orthographe diffèrent ainsi que l’orthographe de plusieurs noms propres. En bas de chaque document de nombreux sceaux de cire jaune ont été apposés.

On peut lire ceci :

TEXTE VUE D’ENSEMBLE

Reconnaissons-le, l’accès n’est pas immédiat. C’est écrit en caractères gothiques, c’est en vieil allemand…Alors, il nous faut photographier, avec minutie, les deux documents, ainsi que les sceaux pour pouvoir les étudier à loisir, lorsque nous serons de retour à Ottrott. Merci à Sandrine et Etienne pour leur patience !

Le début du texte

‘Alle den disen brief sehent oder hoerent lesen dir sollent wissen das wir Heinrich von Andelahe ein ritter und mine sunes Heinrich Friederich und Rudolf Rudolf der Vitztum ein ritter und mine sunes Eberlin Rudolf und Heinrich Rudolf der junge et mine bruder Heinrich und Peterman auch von Andelahe uber ein komen sint der dinge so hie noch geschriben…’

Le texte se poursuit de la sorte sans ponctuation sur l’ensemble du parchemin.

Cette introduction nous donne les noms des décisionnaires de cette paix castrale, ainsi que leurs liens de parenté.

‘ Que tous ceux qui voient cette lettre ou bien l’entendent lire sachent que, nous, Heinrich d’Andlau, chevalier, et mes fils Heinrich, Friederich et Rudolf, que Rudolf le Vidame, chevalier, et ses fils Eberlin, Rudolf et Henrich, que Rudolph le Jeune et ses frères Heinrich et Peterman, de la famille d’Andlau, se sont réunis et ont fait écrire les points suivants.’

Dans le paragraphe suivant, nous apprenons les lieux concernés par cette paix castrale.

‘Cette paix concerne le château d’Andlau (das Huss) ainsi que la montagne qui en dépend, ainsi que la vallée de l’Andlau comprise dans le ban. La paix castrale vaut également pour Valff, le château de Valff et le ban de Valff.’

Château d’Andlau

Plus loin, on trouve les noms des commensaux qui auront la responsabilité de faire respecter les termes de la chartre.

Le burgrave de Doroltzheim, chevalier, et Heinrich Kresser de Kogenheim, d’une part
Wilhelm de Griffenstein, chevalier, et Johannes Botzheim, bourgeois de Sélestat, d’autre part
( Note : le dernier nom diffère sur le second document où on déchiffre difficilement Johansen Maczheim )
Hartung de Wangen, chevalier, est lui nommé commandant du château.

Ces cinq personnes (Ratleute) forment le conseil qui régira la place. S’ensuivent les règles de prises de décision, de changements éventuels du texte, de règlement des différents conflits qui adviendraient. Les délais des plaintes et des règlements des conflits sont précisés. Ces règles s’appliquent aux deux châteaux qui doivent rester liés aux biens du vidame Rudolf (Andlau-le-Bas).

Les sceaux qui ornent les parchemins

Le premier document porte vingt six sceaux, le second vingt et un. Les sceaux manquant ont pu être perdus. On y retrouve bien entendu les marques des onze membres de la famille d’Andlau qui font rédiger la paix castrale.

Voici parmi les sceaux les mieux conservés, les plus marquants :

On retrouve également les sceaux des cinq bénéficiaires, et aussi ceux des différents témoins et garants de la paix castrale. En voici quelques uns.

  • Très cher PiP, tout ceci est fort intéressant. Mais d’habitude, tu nous parles plutôt des châteaux d’Ottrott. Alors pourquoi le Haut-Andlau aujourd’hui ?
  • J’y viens, j’y viens… En fait, nous sommes toujours à la recherche du pourquoi de l’écusson mystérieux qui orne un des corbeaux du logis du Lutzelbourg. Nos lecteurs les plus attentifs s’en souviennent, nous étions sur la piste de liens entre les Rathsamhausen du Lutzelbourg et la famille des Stange d’Obernai. ( voir les chapitres précédents.)

Cuntze Stange von Ehenheim

Et bien, un membre des Stange d’Obernai est cité par deux fois dans cette paix castrale. Cette partie du texte est confuse et donc pas totalement claire à mes yeux, je vous livre ce que j’ai compris.

Les Andlau forment une alliance en cas de conflit avec d’une part les Landsberg, Beger et Weppermann, d’autre part les Murnhart. En cas d’incompréhension, on échangera des messages et des lettres, tout sera fait pour désamorcer une crise.

Dans ce paragraphe, Cuntze Stange von Ehenheim est cité en tant que garant des Andlau.

‘Moi, Heinrich et mes fils Heinrich, Friederich et Rudolf, Rudolf le Jeune et ses frères Heinrich et Peterman, héritiers du jeune seigneur Heinrich de Dicke, Cunrat Rausern de Landsberg, Johannes de Scharrach, Johannes Brunschen, Jacob Schoeken, chevalier, et Cuntze Stange d’Obernai, écuyer, ainsi que le vidame Rudolf et ces fils, nos garants…..’

Voici le texte exact :

Bigre ! Nous étions à la recherche de liens de parenté pour cette famille, et nous ne trouvons que six mots perdus dans une longue phrase sans rapport avec nos châteaux. La seconde citation est encore plus brève.
Certes, nous apprenons que Cuntze n’était alors qu’écuyer.

Pour nous mettre un peu de baume au cœur, nous avons retrouvé le sceau des Stange au bas du document. Il nous avait été décrit dans plusieurs armoriaux, mais nous ne l’avions jamais vu.

Le voici, on déchiffre difficilement le nom des Stange, par contre on retrouve bien le pal vertical de notre mystérieux écusson du Lutzelbourg. C’est un petit pas vers la solution de notre énigme.

Les Stange sont bel et bien, dès 1340, des écuyers dignes de figurer sur une paix castrale. Mais nous n’avons toujours pas de preuve de leur lien avec les Rathsamhausen, totalement absents de cette paix de 1340 à Andlau.

Nous continuons nos recherches, nous vous tiendrons informés.

Prochaine piste : les registres obituaires d’Obernai.

La ‘Burgfriedebrief’ se termine ainsi :

‘an dem nahesten fritage noch sankt Jacobes tage des zwolfbotten do man zalte von Gotz geburte druzehen hundert und vierzig jar’

C’était le vendredi qui suivait la saint Jacques l’évangéliste, alors on comptait treize cents et quarante années depuis la naissance de Dieu.

Note : Un siècle plus tard, c’est Antoine Lamprecht, écuyer, qui est le bailli du château de Haut-Andlau. C’est à cette occasion que le château est enlevé de nuit par les soldats de la Ville d’Obernai. Episode amusant que vous pouvez retrouver dans notre article ‘Attaque de nuit du château d’Andlau’.

Illustrations

Lithographie du Haut Andlau, Rothmüller, 1839
Note : sur cette lithographie, remarquez la porte à pont-levis précédée d’un longue rampe d’accès. A rapprocher de l’entrée de notre Lutzelbourg.

Plan de situation, PiP
Photographies des textes et sceaux, SaB et EtF
Lithographie d’après Imlin, 1816
Le château d’Andlau vu du ciel

Sources

N. Mengus, Les Sires d’Andlau au temps des châteaux forts, 2016
J.M. Rudrauf, L’histoire du château du Haut Andlau, 2016
J.M. Rudrauf, Les Châteaux Forts autour du Mont Sainte-Odile, 2018
*11 litho selon imlin
Merci à Sandrine et Etienne pour leur méticulosité.
Merci à Jean Michel Rudrauf pour ses conseils.
Merci à Nicolas Mengus pour son aide.


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